La Peur (première partie)

Publié le par Matthieu C.

Judith Stinkefisch se réveilla comme tous les matins au son d’une quelconque musique militaire. Non qu’elle apprécie d’entendre de la trompette et du clairon dès le réveil, mais, parmi tous les moyens mis en œuvre pour parvenir à l’extirper du lit, la musique militaire était le seul qui fonctionnait.

Ce matin là, elle était envahie par un sentiment diffus. Elle ne parvenait pas à le décrire, ni à en trouver l’origine. Elle ne se sentait pas à l’aise.

Décidant d’ignorer cette sensation désagréable, elle procéda au même rituel que tous les matins : lancer le café, prendre un douche, boire le café, se brosser les dents, se coiffer, se maquiller. Mais pas trop. Comme disait sa mère « tu vas travailler, pas animer un pourrim-schpil ». Sa mère avait ceci de pratique que, pour elle, toutes les occasions se prêtaient à trouver des comparaisons en rapport avec la religion.

 

En jetant un coup d’œil furtif au dehors, elle s’aperçut que le temps était gris. Pas fait pour lui remonter le moral… Et la boule qu’elle sentait dans son ventre semblait maintenant monter vers sa gorge… Elle n’arriverait pas à aller travailler. Pas aujourd’hui en tous cas. Elle pensa à la boîte de Xanax qui se trouvait dans la petite armoire à pharmacie au dessus du lavabo… Elle hésita, puis décida de passer sa journée sans. Son psychiatre, le docteur Simon Kratzeneier, la féliciterait certainement de cet acte héroïque. Il faut dire que le vieil homme n’était pas avare de compliments envers ses patientes. En tous cas, envers Judith…

 

Elle frissonna lorsqu’elle repensa à ce mercredi après-midi où elle se trouvait dans le petit café à côté de l’immeuble où se trouvait son bureau… « Chez Jojo le roi du falafel » ou un truc comme ça… Elle était tranquillement assise en train de boire un café, lorsque les sirènes s’étaient mises à hurler (c’était lors de l’attentat Chez Micky) ; il s’était alors passé une chose qu’elle trouvait atroce : Le serveur avait augmenté la musique qui sortait des enceintes dans le bar pour couvrir le bruit des sirènes… Elle avait trouvé ça normal sur le coup, mais en ce jeudi matin, elle n’arrivait pas à chasser cette image de sa tête : est-ce que, s’il lui arrivait quelque chose dans un attentat, les gens feraient tout pour ne pas entendre le bruit des sirènes ? Elle trembla, et refoula une envie de pleurer. Elle prit un deuxième café, et se concentra sur les carreaux de sa cuisine pour ne pas penser à autre chose…

 

Une fois prête, elle prit son sac, vérifia que s’y trouvait toujours son mini déo en spray (il n’y avait aucune raison qu’il sortit de son sac, ce mini-déo étant essentiellement destiné à se défendre contre les agresseurs que sa mère imaginait roder autour d’elle) et sortit. Elle ferma la porte, acte qu’elle regretta aussitôt… Cette angoisse qui semblait aller et venir, ses pensées obnubilées par un quelconque danger qu’elle n’arrivait pas à identifier, ses jambes peu assurées… Elle partit quand même. En descendant, elle entendit sa voisine, la vieille madame Schwanzenbaum hurler que les allemands allaient revenir… Comme disait sa mère : « Cette pauvre femme est aussi allumé qu’une ménorah à Hanouccah ».

 

Et c’est alors qu’elle fermait la porte d’entrée derrière elle, et après avoir remarqué un homme très basané (qui ne devait pas plus être juif que Rabbi Na'hman n’était catholique) que Judith vit, devant ses yeux, l’imprévisible, l’inattendu se produire…

 

[à suivre…]

 

Matthieu

 

Publié dans C'est pas drôle

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M
Yael > Merci !
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Y
T'ain, je suis abasourdie par tes connaissances en judaisme, Matthieu.<br /> Ah c'est vrai je te l'ai deja dit.
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M
Garg > Euh... Merci !<br /> Eric M > En fait non. La fin ce sera lundi (ben oui, y'a pas de raison non plus, vu que c'est écrit).
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E
très très très bien :)<br /> et dire qu'on n'aura pas la fin avant mardi (si je compte bien)
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G
Aussi bon en nouvelles qu'en critiques. Impressionnant.
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