La peur (troisième et dernière partie)

Publié le par Matthieu C.

La première partie se trouve ici

La seconde partie se trouve ici

 

Brusquement, le terroriste se leva et sortit quelque chose de sa poche… Sans doute le déclencheur de la bombe. Judith ferma les yeux, pensa au sens de la vie et entendit celui qui n’était plus désormais qu’un ex terroriste, prononcer un « Allo » tonitruant dans un hébreux tout ce qu’il y avait de plus juif (à moins que ce ne soit le contraire, Judith ne savait plus très bien). Cet homme était donc normal, enfin, juif quoi. Judith prit du temps pour le dévisager. Il n’était pas si mal que ça finalement. Et puis, il n’avait quand même pas de chance : un juif avec une tête de terroriste, ce n’était pas une situation facile à vivre en Israël…

 

Le voilà maintenant qui racontait sa vie dans son portable… Apparemment, il venait de se séparer de sa copine, une fille « chaude comme un knish » (une sorte de crêpe fourrée), qui l’avait quittée pour un schmock, un con quoi. Le pauvre… En même temps, elle n’allait pas faire shiva pour ce type qu’elle ne connaissait pas et qui criait dans son téléphone pour faire partager sa peine par tous les passagers !

 

Judith cessa d’écouter pour s’apercevoir qu’il n’y avait plus qu’un arrêt avant qu’elle ne descende, et que le bus était maintenant bondé. Elle regarda furtivement autour d’elle comme une bête traquée.

Judith tremblait maintenant… Elle ne savait pas pourquoi. En fait, elle savait pourquoi, mais elle n’arrivait pas à exorciser cette sensation atroce…

 

La première chose qu’elle ferait en descendant de ce bus, si tant est toutefois qu’elle en descende vivante et sur ses deux jambes (sortir vivante du bus allongée sur un brancard ne l’arrangeait pas particulièrement), ce serait de se précipiter « Chez Jojo le roi du falafel » pour avaler un café en bénissant le ciel de l’avoir épargnée.

Elle en avait la certitude maintenant : elle ne parviendrait pas au bout de son trajet. Le bus bondé, les gens qui parlaient dans leur téléphone (oui, il n’aurait plus manqué qu’en plus ils parlent dans le téléphone du voisin), la chaleur de plus en plus importante, tout cela l’angoissait. Chez elle, devant de telles sensations, elle aurait immédiatement plongé dans un bain chaud agrémenté de senteurs de roses. Mais là, dans ce bus, tout ce qu’elle pouvait faire, c’était chercher à fuir cette réalité par la pensée…

 

Et encore, est-ce que cela lui serait utile, une fois morte, d’avoir fui la réalité des derniers instants de sa vie pour ne pas être terrorisée par des terroristes ? Non, au contraire, elle devait s’efforcer de capter les réalités qui se trouvaient autour d’elle, se concentrer sur le réel pour ne pas céder à une irréelle panique. Elle grava donc dans sa mémoire, pour oublier la frayeur qui la rendait folle, les kippas (brodées, pas brodées, noires, en velours), les robes, les rides… Elle se concentrait sur les détails, et failli ne pas voir que le bus ralentissait pour s’arrêter là où elle-même devait descendre, à 50 mètres de son bureau et de « Chez Jojo le roi du falafel ».

 

C’est en se retournant sur le trottoir pour voir le bus partir, alors qu’elle se sentait mieux et qu’elle n’était plus envahie par La Peur qui l’avait habitée tout le long de son trajet et depuis le début de la journée, qu’elle vit la dernière publicité du ministère du tourisme affichée sur l’arrière du bus :

 

« Welcome to Israël ».

 

Matthieu

 

Merci à Yael pour son aide précieuse !

 

Publié dans C'est pas drôle

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M
Eric, ben crie pas, j'ai peur !
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E
Ben si , on peut en jeter encore .<br /> Quand c'est excellent , il faut le dire , et le crier !!!<br />
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M
Nam nam > Merci !<br /> Yael > merci à toi, vraiment.<br /> Garg > n'en jetez plus !!!
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G
Excellente chute. Dur de faire de l'humour, fût-il noir, sur ce sujet. Mais c'est réussi.
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Y
p.s. y'as pas de quoi.
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